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Etre noir à Highbury dans les 70s

Démarré par Vince, 28-03-2018, 15:09:00

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Vince

28-03-2018, 15:09:00 Dernière édition: 29-03-2018, 02:42:41 par Vince


A partir des années 1970s un bon nombre d'afro-caribéens commencent à se rendre régulièrement à Highbury. Ce sont essentiellement des enfants de parents qui sont arrivés en Grande Bretagne juste après la Guerre. Leurs expériences à Highbury étaient différentes. Le père de Collins Campbell est arrivé à Tilbury en 1953 ("Mon père était obsédé à l'idée de rejoindre la Mère Patrie, comme il l'appelait, il croyait que ce serait une terre merveilleuse d'opportunités") et devient rapidement manutentionnaire à Finchley. Collins développe une passion pour le Football grâce aux émissions Match of the Day (BBC) et The Big Match (ITV). Mais il a du attendre 1973 avant de voir son premier match, dans un stade, et à cette époque il avait adopté un style Rasta.

"Les deux héros dans ma vie étaient Bob Marley et Charlie George juste derrière. Avant d'aller à Highbury, j'ai essayé plusieurs stades à Londres. Je n'oublierai jamais quand j'ai dit à mon père que j'allais à Stamford Bridge. "Aucune chance que tu ailles là-bas, ils vont te bouffer tout cru". J'y suis allé, ignorant ses conseils, mais j'aurai du l'écouter. Dès que j'ai approché du stade, on a commencé à m'embêter, "fais nous fumer ton spliff man", ils me criaient avec un accent jamaïcain. Et à l'intérieur du stade "va te faire couper les cheveux!". Les gens m'évitaient, comme si j'étais une sorte de criminel. D'autres parlaient entre eux, en me regardant, comme si j'étais une bête de foire. Un de mes amis m'a dit que c'était encore pire à Upton Park - et étrange. A l'époque Clyde Best étaient un de leurs meilleurs joueurs, mais ils n'étaient pas plus avancé dans leur vocabulaire. "Donne la balle au nègre!", ils criaient. Certains faisait des cris de singe.

Highbury était vraiment ma dernière tentative, j'étais nerveux de l'accueil que l'on me ferait. Quand je marchais sur la route devant Finsbury Park, j'ai remarqué quelque chose d'étrange, personne ne faisait attention à moi. Personne n'était choqué ou surpris de voir un noir marcher vers le stade. Ce que j'ai aussi remarqué, ce qui n'était pas le cas à Chelsea, c'est le brassage ethnique dans les rues autour du stade. Il y avait pleins de gens d'Europe du sud - italiens, grecques. Et mon premier match coïncidait avec les débuts de Brendon Batson, face à Sheffield Utd en Mars 1973. Pour être honnête, je ne le connaissais pas du tout avant qu'il rentre sur le terrain, donc j'ai été surpris. J'étais aussi nerveux des réactions que cela pourrait susciter. Mais encore une fois, ils ont été super, ils chantaient "Batson, Batson", il les a applaudit en retour. Tout le monde était cool.

Dans la semaine qui a suivit, mes amis me parlaient tous de Batson. Il a été une grande inspiration pour beaucoup d'entre nous - un exemple parfait de ce que l'on peut réussir quand on est noir. Parce qu'il faut se rappeler qu'à l'époque il y avait autant de joueurs noirs en Angleterre que de joueurs indiens aujourd'hui. On parlait beaucoup de ce manque de représentation. Donc voir Batson jouer pour Arsenal était un grand moment. A partir de là j'étais accroc, je m'asseyais en haut de la East End, avec les vieux - je pense qu'ils n'avaient jamais vu de noir avant. L'un d'eux a dit un jour qu'il n'a pas payé son billet pour s'assoir à côté d'un "golliwog". A l'époque les gens utilisaient aussi plus librement le "n-word". Et vous seriez surpris de savoir le nombre de fois où, pour briser la glace, on me parlait de "Love thy Neighbour" - cette comédie dans les années 70s à propos d'un blanc et d'un noir qui sont voisins. Mais avec Arsenal c'était plus un mécanisme de défense, si quelqu'un l'ouvrait trop, les autres lui disaient de s'assoir assez rapidement."




Brendon Batson a joué 6 matchs pour Arsenal entre 1972 et 1974, il se rappelle : "Je n'ai jamais été mis au courant d'acte raciste à mon encontre pendant ma période à Arsenal. Quand je suis partie pour Cambridge il y en a eu un peu. Et ensuite quand je suis allé à West Brom, moi, Cyrille (Regis) et Laurie (Cunningham) on était régulièrement pris pour cible lors des matchs à l'extérieur. Je n'ai pas de raison particulière pour expliquer pourquoi les fans d'Arsenal étaient plus ouvert que les autres. Peut-être que c'est parce qu'Highbury a depuis longtemps accueillit des gens venu de Grèce, Italie, Chypre. Peut-être que c'est aussi la proximité du Club avec Hackney Marshes. Ce qui est étrange c'est qu'à cette époque, West Ham était de tout les Clubs de Londres, celui qui était connu pour donner leur chance à des joueurs noirs. Et pourtant, Clyde Best a du partir à cause des insultes de ses fans. Alors qu'à Arsenal, j'étais le seul gamin noir dans tout l'effectif, c'était quelques années avant la génération Chris Whyte, Paul Davis, Raphael Meade ... Mais il n'y a pas de raison particulière par rapport à l'ouverture d'esprit d'Highbury, c'était juste comme ça."

Ce serait exagérer que de dire que cette harmonie s'étendaient aux rues autour du stade. Quand j'ai mis une annonce dans l'Islington Gazette, j'ai reçu 3 témoignages qui se rejoignent par rapport à des problèmes vécus à la sortie de métro Arsenal et dans les rues proches. Dans le milieu des années 70s, le Front National recrute parmi les fans de Football, et des campagnes de recrutement débutent aux alentours des stades anglais. Highbury ne faisait pas exception. Lloyd Parker se rappelle : "Je sortais du métro pour rencontrer mes amis vers là où est actuellement l'Emirates Stadium. Il y avait un gars sur la route et il m'interpelle "Oi mate, ça te dis de rejoindre le Front National ?", il avait dans sa main des tractes et des exemplaires de "Bulldog" le magazine d'extrême droite. Mes amis m'ont dit ensuite que ce magazine était vendu aussi de l'autre côté du stade, vers la station Highbury & Islington. Et le plus effrayant c'est que des gens l'achetaient. C'était bizarre car je n'avais jamais vu de problème dans le stade. Bref, quand ce gars m'a proposé ça, j'ai menacé de le frapper. Et je suis costaud donc il a fuit rapidement, bien qu'il ait proféré quelques insultes racistes en partant.

Ca m'a vraiment énervé sur le moment, et choqué, parce que mon père quand il est arrivé en Grande Bretagne, a du subir beaucoup de racisme. Quand il cherchait un endroit pour dormir, il y avait des pancartes "Pas de chiens, pas de noirs". Et au travail, les propos dénigrant de ses collègues étaient une habitude. Cet incident raciste était le seul que j'ai vécu, et j'avais 20 ans à l'époque. Ce qui m'a surpris c'est que c'était à un endroit où je venais pour m'amuser, où les gens oubliaient leurs différences. Honnêtement, la Police était excellente à ce propos, ils ont pris au sérieux ma plainte. Deux semaines plus tard ils m'ont appelé pour me prévenir qu'ils ont saisit une grande quantité de littératures racistes proche du stade. A l'époque le Front National était dans une sérieuse campagne de recrutement.

Au début des années 80s, leur présence autour des stades, du moins autour d'Highbury, a quasiment disparu. Et la Police était beaucoup plus présente. Mais dans les années 70s, les rues autour des stades étaient des coupes gorges. C'était dangereux et sinistre, entre les ventes de billets au marché noir, les vendeurs de drogue, des gens louches qui trainaient, qui sortaient de nulle part. C'était bien plus risqué d'aller à Highbury à l'époque."


Chapitre "Without prejudice ? (1)" du livre de Jon Spurling Highbury, the Story of Arsenal in N5