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Une tournée qui tourne mal

Démarré par Vince, 05-06-2013, 18:48:31

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Vince

Arsenal s'apprête à partir en tournée en Asie cet été encore, une tournée exotique qui n'a rien de nouveau dans l'histoire du Club. Les Gunners sont partie sur les autres continents pour jouer des matchs ou tournois amicaux depuis très longtemps. Mais dans les 70s ou 80s, ça s'apparentait plus à une colonie de vacances où les joueurs - loin de Londres, et face à des dirigeants un peu dépassé - se laissait aller à quelques dérapages.


[small]Alan Ball sous les couleurs d'Arsenal[/small]

Dans les années 70s, la tendance est au 'Player Power', les joueurs comme les jeunes de l'époque sont plus réfractaires à l'autorité en général. Et bien que les règles étaient beaucoup plus strictes que maintenant, ils arrivaient a faire plier le Club pour satisfaire leurs volontés. Arsenal traverse alors une longue période sans titre après 71 et Bertie Mee annonce en pleure qu'il quitte son poste de manager d'Arsenal en 1976, les joueurs expérimentés comme Alan Ball, Amstrong et Simpson voient là une opportunité d'assoir leur pouvoir à Arsenal. Ils s'allient pour que le coach de l'équipe première Bobby Campbell devienne le prochain manager. Mais les jeunes joueurs étaient persuadés que Ball et les autres n'agissaient que par pur intérêt personnel. David O'Leary, Graham Rix, et Liam Brady s'y opposeront (Ball accusant Brady dans on autobiographie l'avoir poignardé dans le dos). Finalement le Board ne se laisse pas influencer et Terry Neill devient  à 34 ans le nouveau manager d'Arsenal, et Campbell quitte le Club. C'était après qu'Arsenal tente d'engager Miljan Miljanic, le manager du Real Madrid, et Terry Venables.

La lune de miel de Terry Neill ne durera pas longtemps, à cause du scepticisme de joueurs qu'il avait eu comme coéquipiers il y a quelques années, en plus d'avoir le manager qu'ils n'avaient pas voulu. Ball a rendu tout de suite la vie difficile à Neill, se plaignant de ses méthodes d'entrainement, et du nouveau coach de l'équipe première Cliff Dixon.  Lors de la présaison en Autriche en 1976, Alan Ball ne respecta pas l'interdiction de boire de l'alcool, prétextant que « samedi soir c'est un soir de beuverie pour les anglais ». Il emmena donc toute l'équipe dans une ville voisine pour une énorme beuverie, c'était en plus bientôt l'anniversaire de Peter Storey donc pas de boisson soft au programme. Neill sentait alors que son autorité serait mis à mal par l'insolence de Ball. Dès que l'opportunité s'est présentée, il l'a alors vendu. Il part à Southampton, malgré tout son talent et son statut de champion du monde, et Neill, comme certains joueurs, étaient content de son départ. Malheureusement pour Neill, les problèmes ne faisaient que commencer. Les fans étaient encore sceptique de l'arrivé de l'ancien manager de Tottenham (malgré qu'il a évolué pendant 11 ans comme joueur à Arsenal). Il signe alors Malcom Macdonald, la star de Newcastle, pour £333.333 et Alan Hudson pour £200.000. C'est comme si Arsène Wenger dépensait aujourd'hui £30m sur 2 joueurs. Mais dès leur arrivée, ces 2 joueurs ont defié l'autorité de leur entraineur. Selon les mots d'Alan Ball, qui était ami avec ces 2 joueurs « ils n'avaient peur de personne, ils ne craignaient rien, ils ne craignaient aucune institution ».


[small]'Supermac' à Highbury[/small]

Malcom Macdonald, le héros de Saint James's Park avait été acheté sous le nez de Tottenham, l'ancien Club du nouveau manager d'Arsenal, le manager des Spurs accusant Neill de l'avoir kidnappé.  Difficile d'imagine Macdonald aller quelque part contre son gré. En fait Neill avait envoyé un jet privé, ce qui avait flatté l'énorme égo du joueur. Son ancien manager Gordon Lee l'avait laissé partir après un dispute. Macdonald se rappelle « je n'ai jamais su ce qu'il [Gordon Lee] attendait de moi. Moi j'ai toujours respecté l'adage que mon boulot c'était de mettre le ballon au fond des filets autant que possible. Je prends le ballon, je me tourne, je tire. C'était ma philosophie. C'était mon seul rôle. Lee voulait autre chose. » Les défenseurs de l'époque vous confirmeront qu'il n'y avait rien de plus terrifiant pour eux que 'Supermac'. C'était une grande gueule, et les fans adoraient ça, il n'hésitait pas à dire qu'il allait assassiner tel joueur sur le terrain, ou alors comme lors de sa signature à Arsenal, il a promis « Je marquerai 30 buts cette saison ».  Lors de la saison 1976-77, il marquera 29 buts. « C'est comme ça que je fonctionne, parfois ça marche, parfois j'ai l'air con ». Ses coéquipiers le trouvaient intéressant, un d'eux resté anonyme se rappelle « La vie à Highbury a complètement changé après son arrivée. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme lui. C'était le joueur le plus égoïste, le plus sûr de lui, que j'ai jamais vu. Pire que Ian Wright. Il sortait du terrain énervé si jamais il n'avait pas marqué un but, même si l'équipe avait gagné 4-0. On avait battu Leyton Orient en demi-finale de FA Cup 3-0, tout le monde était ravi de s'être qualifié pour la finale à Wembley en 1978. Sauf lui, il s'engueulait avec les journalistes car sa frappe qui a été déviée par 3 défenseurs d'Orient avant de rentrer dans les buts avait été considérée comme un csc. Il criait aussi sur ses coéquipiers, notamment Frank Stapleton, pour qu'ils lui apportent les buts sur un plateau.  Il se prenait très au sérieux, avait toujours des livres sous le bras pour paraitre intelligent mais personne ne l'a jamais vu en lire un. Des fois il nous rendait fou, il ne se replaçait jamais en match, et il arrivait toujours en retard à l'entrainement, avant l'arrivée de Don Howe. Mais quel attaquant, et c'était un bon gars aussi. Il nous faisait gagner notre prime de victoire, donc on était content ! » Spermac était vite devenu une idole chez les fans d'Highbury, et il se sentait bien à Arsenal. « Newcastle était un grand Club, mais en terme de style et professionnalisme, Arsenal était sur une autre planète. Pareil pour les fans, ils créaient l'ambiance parfaite pour me permettre de faire mon boulot - marquer des buts. »


[small]Alan Hudson[/small]

L'adaptation d'Alan Hudson a été plus difficile. A l'origine la raison de son arrivée c'était l'opportunité de jouer avec son copain Alan Ball, alors que Neill avait signé Hudson pour remplacer Ball, mais il avait volontairement oublié de lui dire avant qu'il ne signe son contrat. Après 90 minutes joué pour son premier match, Hudson s'était confié « je ne jouerai plus jamais pour cet homme ».  Comme Ball et Macdonald, Hudson n'était pas du genre à respecter l'autorité. Par rapport à Don Revie, le sélectionneur anglais il avait déclaré « Il m'a pris pour que j'échoue. Il m'a toujours détesté, depuis que Chelsea a battu Leeds en finale de Cup. Il ne faisait juste pas confiance aux joueurs comme moi ou Malcom. Lors des rassemblements de joueurs, on devait jouer au Bingo ou au Boules. On n'avait pas 80 ans ?! Pour ce qui est de ses rapports de matchs, je les ai jamais lui. La seule façon de créer un esprit de groupe c'est de sortir boire des verres, pas jouer aux Boules. Il n'a jamais pardonné à moi et Bally d'être parti boire un coup pendant un de ses rassemblements.» Hudson était un joueur qui a la réputation de ne pas avoir pu exploiter pleinement son grand talent, et en plus de choix de carrière malchanceux, la racine de ce problème était l'alcool. Et d'ici la fin de la saison, Hudson souffrait de dépression.


[small]Terry Neill[/small]

En plus de stars ingérable, Terry Neill par inexpérience était aussi son propre ennemi. Il ne manquait pas de volonté de bien faire, mais selon beaucoup il était trop naïf pour ce job. Au début de la saison 1976-77, Arsenal fait une série de 5 matchs invaincus. Il rentre dans le bureau du président et lui dit « Alors Mr Chairman, vous en pensez quoi ? » « Excellent, Terry » lui répond Denis Hill-Wood. « Encore 30 points de plus et on aura assuré notre maintien ! ». Les sessions d'entrainement n'impressionnaient guère les joueurs. Hudson se rappelle « Je pense que ça n'a pas aidé qu'il soit à la fois manager et coach. Il aurait dû garder plus de distance entre lui et les joueurs. Tu ne peux pas participer aux 5 v 5 avec tes anciens coéquipiers quand tu es manager. »

C'est dans cette ambiance qu'Arsenal va partir en tournée lors de l'été 1977 à Singapour et en Australie. Pour commencer les joueurs devaient d'abord partir en Norvège, en tournée en post-saison 1976-77. Ensuite les joueurs apprennent qu'ils ne gagneront aucunes primes de la lucrative tournée en Australie, puis ils devront raccourcir leurs vacances estivales de quelques jours pour cette tournée. Alors une délégation de 16 joueurs menace de faire grève, et Neill promet que les joueurs auront une prime de la tournée en Australie. La plus part des joueurs avaient prétexté avoir une grippe pour tenter sans succès d'y échapper. Puis Macdonald oublie son passeport, c'était involontaire selon lui. Pas surprenant vu l'absence de bon sens chez les joueurs en général. Charlie Nicholas avait déclaré à ce propos « la plus part des joueurs oublieraient de se torcher si un dirigeant n'était pas là pour leur rappeler ».

La tension monte quand Neill annonce qu'il sera interdit de boire dans l'avion. Les 'three Amigos', Hudson, Macdonald et Amstrong qui les avait rejoint, n'étaient pas d'humeur a respecter cette règle. Hudson se rappelle « Pendant la tournée on n'a pas arrêté de faire chier Terry Neill. Il nous traitait comme des enfants. Le voyage jusque Singapour par exemple, on n'avait pas le droit de boire un gin tonic. Plus il nous l'interdisait, plus on pensait 'on le fera quand même'. » Il fait très chaud et humide à Singapour, et avec au programme un match 4 jours après leur arrivée face à l'étoile rouge de Belgrade, et entrainement l'après-midi dans la chaleur, les joueurs avaient pas mal de temps à tuer. Le Club donnait aux joueurs que £6 d'argent de poche par jour, mais les joueurs les plus expérimentés ont demandé à ce que ce soit augmenté à £800 par personne pour la tournée. Après les joueurs devaient participer à des soirées à l'ambassade où ils rencontraient des officiels du pays. Ce qui ennuyait plus qu'autre chose Macdonald. « On est parti, on avait d'autres choses à faire. Terry a dit qu'on avait fait honte au Club. Je lui ai dit qu'au contraire on a été de vrais ambassadeurs du Club, parce qu'on est sorti et qu'on a bu quelques bières avec des fans d'Arsenal et du Celtic qui étaient là. C'était fantastique ! Je suis sûr que ces fans se rappellent encore de cette soirée où ils ont bu avec moi et Huddy » Après le match face à l'Etoile Rouge perdu sous le cagnard, les joueurs d'Arsenal étaient vidé et déshydraté. Le docteur australien leur a alors conseillé pour récupérer de boire ... de l'eau comme de la bière. Un conseil pris un peu trop au sérieux par pas mal de joueurs de l'équipe. Alan Hudson lui a plutôt remplis son corps de Gin Tonic. Macdonald a lui déclaré avoir bu 20 pintes de bière sans aller une seule fois pisser de l'entrainement.


[small]Terry Neill et Malcom Macdonald[/small]

Entre temps, la rumeur de l'arrivée à Arsenal de Dave Sexton comme coach de l'équipe première avait réjoui les joueurs, jusqu'à ce que ce dernier rejoigne finalement Man utd comme manager. Hudson plus tard a commenté « ça a fait passer Neill encore plus pour un bouffon ». Les officiels d'Arsenal n'appréciaient guère que Hudson et Macdonald se laissent pousser la barbe, mais Neill n'osera pas aller au conflit avec eux sur ce sujet. La veille de leur départ de Sydney,  les Three Amigos s'échappent du reste de l'équipe pour aller dans un bar assez mal fréquenté. Ils discutaient de Neill  quand des gangsters les interpellent et leur propose de 'faire disparaitre' leur manager.  « On s'est alors tous les 3 regardé, la bouche bée. Même Malcom, d'habitude si bavard, avait le souffle coupé par la suggestion. On a bien sûr décliné l'offre. » Ils prennent alors un taxi pour rentrer rejoindre le reste de l'équipe avant que le groupe ne parte pour Adelaide pour la dernière étape de la tournée.  

Arrivé sur place, Hudson et Macdonald se préparent à récupérer de leurs mésaventures en faisant une sieste jusqu'à ce que Pat Rice tape à leur porte et leur demande de se préparer pour une session d'entrainement physique. Ils étaient encore sous l'influence de l'alcool et s'en était trop pour Terry Neil qui décide finalement de les renvoyer chez eux. Il avait bien sûr l'aval du Chairman Denis Hill-Wood qui aurait pourtant offert un verre de gin tonic à Macdonald avant qu'il ne prenne un somnifère et fasse sa sieste.  Amstrong supplie le Club l'autoriser à rentrer avec eux, mais Neil refusa. « Pour Neill, renvoyer chez lui le très respecté et important George Amstrong chez lui aurait été la preuve que les choses ne tournent pas rond dans sa gestion du groupe. Moi et Macdonald on avait une mauvaise réputation, c'était plus simple. Mais on a été des bouc émissaire dans cette histoire, pleins d'autres choses se sont passé et n'ont pas été mentionnées ». Les sessions d'entrainement sous le cagnard en pleine après-midi n'avaient pas interpelé que les deux joueurs, le reste du groupe aussi. « Seuls des chiens fou ou des anglais courent dans cette chaleur en milieux de journée ».  Liam Brady confirme « Neil aurait très bien pu en renvoyer 10 autres chez eux, moi inclus ».


[small]Terry Neill avec celui qui sera son assistant Don Howe, discutent tactique[/small]

Dans l'avion, Macdonald et Hudson vide les bouteilles de champagne. Ils finiront par vendre leur histoire à leur arrivée au Sunday People et au Sunday Mirror. Terry Neill donnera sa version des faits dans News of the World. Arsenal ne sortira pas grandit de ce cirque médiatiques qu'ils ont pour tradition d'éviter.  Suite à ça, Don Howe devient alors le coach de l'équipe première, Neill reste le manage, mais l'arrivée d'Howe apporte beaucoup plus de discipline dans le groupe. Hudson et Macdonald ont été convaincu de rester au Club, mais les tensions perduraient. Après un défaite, Hudson s'en prend à Neill, et lui dit qu'il a mis sur le terrain la mauvaise équipe. Il est alors vendu au Club américain des Seattle Sounders en 1979. Malcom Macdonald pas epargné par les blessures, est lui forcé de prendre sa retraite à 30 ans, la même année. « Quand je suis parti d'Highbury la dernière fois, et que je marchais dans St Thomas Road, je ne me suis jamais senti aussi seul. » Les deux ont vécu un après football très difficile, ils ont tout les deux souffert d'alcoolisme. Après sa retraite Hudson se fait percuter par une voiture à Londres, il doit passer le reste de sa vie en béquille pour marcher. Macdonald enchaine les opérations pour ses genous, il ne peut marcher qu'avec un canne lui aussi, et en 1997 ses problèmes de santé l'oblige a arrêter de boire. Les deux n'ont pourtant aucun regret, ils continuent de dire que l'alcool n'a affecté en rien leur performance. Et Ils sont maintenant meilleurs amis avec Terry Neill ! Ce dernier continuera d'être le manager d'Arsenal jusqu'en 1983 et aidera Arsenal à gagner enfin un trophée, la FA Cup en 1979.

[small]Extraits du livre Rebels for the Cause[/small]

jones79

Je me souviens très bien de cet épisode. Quand j'ai plus de temps je viendrai sur Terry Neil un manager à mon  avis qui était trop sévèrement critiqué, et j'essaierai de mettre en avant ses réussites car c'était une période dans l'histoire du club que j'ai vécu pleinement.

DiosBergkamp

Un beau bordel :wtf:
Toujours sympa ces histoires, c'était un autre temps. Maintenant une sortie en boite 3 jours avanc un match et c'est une affaire d'état :P